Alors que l’Europe suffoque sous les vagues de chaleur, un nouveau rapport de Greenpeace Central and Eastern Europe montre à quel point le rail européen est pénalisé par une fiscalité inéquitable au profit des compagnies aériennes et au détriment du climat. Le train est en moyenne 2 fois plus cher que l’avion, et certains trajets coûtent même jusqu’à 30 fois plus cher. Greenpeace appelle les institutions européennes et les gouvernements à rendre le train plus accessible que l’avion.

“Ce rapport montre à quel point les citoyens européens sont incités à prendre l’avion. Les compagnies aériennes bénéficient d’avantages fiscaux scandaleux, et les low-cost, en particulier, ont utilisé toutes les combines pour proposer des vols à des prix honteux. Les vols à 10€ n’existent que parce que d’autres en paient le coût réel: les travailleur·ses précaires, les client·es qui doivent payer de nombreux surcoûts, les autorités locales qui accordent des subventions avec l’argent des contribuables… Pour le bien de la planète et de la population, il est urgent d’inverser la tendance“, déclare Herwig Schuster, expert en transports pour la campagne Mobilité pour tous de Greenpeace.

La Belgique dans le top 3 des pires élèves en Europe

Londres-Barcelone peut coûter jusqu’à 30 fois plus cher en train qu’en avion. C’est l’une des conclusions de la nouvelle analyse de Greenpeace CEE, qui révèle également que les trains sont en moyenne 2 fois plus chers que les vols. Greenpeace a comparé les billets d’avion et de train de 112 itinéraires européens différents à 9 périodes différentes. En moyenne, les vols sont moins chers que les trains sur 71 % des itinéraires analysés, et seules 23 liaisons européennes sont (presque) toujours moins chères en train qu’en avion. L’impact climatique global de l’avion, lui, est plus de 80 fois pire que celui du train [1].

En Belgique, où 10 trajets ont été étudiés, le train coûte 2,6 fois plus cher que l’avion et seul le trajet Bruxelles-Hambourg est systématiquement moins cher en train. Notre pays occupe ainsi la troisième place du classement, derrière le Royaume-Uni et l’Espagne, seuls pays d’Europe où le déséquilibre entre le prix du train et le prix de l’avion est encore plus marqué.

La plus grande différence de prix en Belgique a été trouvée sur un trajet Madrid-Bruxelles, pour lequel le train coûtait 15 fois le prix de l’avion: c’est le 4e écart le plus important trouvé dans ce rapport. 

Les low-cost, en particulier, nuisent au transport ferroviaire européen

Les compagnies aériennes low-cost exploitent 79% des liaisons analysées et sont dans la plupart des cas moins chères que le train grâce à leurs stratégies tarifaires agressives. Elles proposent parfois même des vols avec correspondance encore moins chers que les vols directs de leurs concurrents, entraînant jusqu’à 10 fois plus d’émissions de GES. Parmi les trajets de ce type, le voyage Londres-Bruxelles est systématiquement moins cher en avion et avec une escale. Le vol avec escale au Danemark est près de 6 fois pire pour l’environnement qu’un vol direct… Avec ou sans escale, ces vols ne devraient pas exister puisque ce trajet ne prend que 2 heures en train et permet d’éviter 92% des émissions de GES.

Pour relancer le rail, il faut mettre fin à cette fiscalité destructrice et inéquitable

L’attractivité des billets d’avion est irresponsable. Afin de rendre le rail plus accessible que le transport aérien, Greenpeace appelle les gouvernements nationaux à introduire des tickets climat: des abonnements simples et abordables, valables dans l’ensemble des transports publics dans un pays ou une région définie, incluant les trains et le transport transfrontalier. Pour financer de tels tickets, de nombreuses solutions existent comme des taxes sur les superprofits, la suppression progressive des subventions nuisibles à l’environnement, un système de taxation équitable basé sur les émissions de CO2… En parallèle, les subventions accordées aux compagnies aériennes et aux aéroports doivent être supprimées, en commençant par l’exonération fiscale dont bénéficie le kérosène.

L’industrie aéronautique est l’une des industries les plus climaticides et les plus injustes au monde. Au cours des dernières décennies, l’aviation a été la source d’émissions de GES qui a connu la plus forte croissance en Europe [2]. Le trafic aérien atteint même aujourd’hui ses niveaux pré-pandémie, au moment même où les populations sont confrontées à des vagues de chaleur mortelles à travers le globe. Si la révision de l’exonération de la taxe sur le kérosène est au point mort au niveau de l’UE, les gouvernements nationaux, eux, commenceront bientôt les discussions sur leurs budgets annuels. Une occasion parmi d’autres de discuter de ces mesures financières et, enfin, d’agir en faveur d’un système de mobilité abordable, fiable et respectueux de l’environnement en Europe.

Notes

[1] L’impact global de l’avion sur le climat peut être plus de 80 fois pire que celui du train. Selon les prudentes estimations de l’Agence européenne pour l’environnement, les avions émettent en moyenne 4,84 fois plus de gaz à effet de serre que les trains. Les chiffres varient en fonction du pays, de la compagnie ferroviaire, de l’itinéraire et du type de train. Des données nationales sont disponibles pour la plupart des pays, un facteur clé étant le mix électrique utilisé par les compagnies ferroviaires. 

[2] +29 % entre 2009 et 2019 dans l’UE.

Lire le rapport complet : “Ticket prices of planes vs trains – A Europe-wide analysis. How low-cost carriers destroy the climate while  their unfair and aggressive pricing strategies go unchecked”.

Greenpeace a détaillé sa vision des tickets climat dans une fiche comprenant les modalités, les effets attendus, les exemples de bonnes pratiques et les possibilités de financement.